Joan Blachere, Directeur de la création

PORTRAITS → Young culture professionals  

La série Portraits explore notre secteur culturel contemporain depuis la perspective de ses jeunes travailleurs. Beaucoup d’entre eux ont choisi la culture car elle les rendait fiers, donnait du sens à leur travail, inspirait une vocation. Qu’en est-il de ce secteur culturel idéal aujourd’hui ? 

Joan Blachere est Directeur de la création dans l’industrie du jeu vidéo à Bordeaux (France). Expérimenté à la fois en marketing et en game design, il évolue rapidement sur différents postes de cette industrie si particulière, lui permettant de réunir expertise et passion. Désormais associé, il vit au plus proche des enjeux stratégique d’une structure, pour servir une équipe à taille humaine. 

Racontez-nous, quelles sont les grandes étapes de votre parcours ?

Je suis passé par Sciences Po Lyon, école dans laquelle j’ai axé ma fin de formation sur la communication et la culture, et notamment le jeu vidéo, à travers mes sujets de recherches de4e et 5e année.

Cela m’a permis de trouver un premier stage pour aider au lancement d’une campagne de crowdfunding Kickstarter d’un jeu vidéo indépendant. En fin de 5e année, j’ai également fait du volontariat auprès de Capital Games pour aider sur le stand Jeux Made In France de la Paris Games Week. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Steve Filby, responsable de la communication et du marketing des jeux du studio bordelais Motion Twin et qui cherchait justement de l’aide pour le lancement de l’accès anticipé de leur prochain jeu.

Ce jeu, nommé Dead Cells, a rencontré un succès critique et commercial assez extraordinaire, notamment aux Etats Unis et en Chine. J’ai ainsi pu poursuivre avec Steve après mon stage avec un CDI en tant que Marketing Manager. En 2019, Motion Twin décide d’arrêter de mettre à jour Dead Cells pour se consacrer à leur prochain projet. Nous créons alors avec Steve et deux autres associés Evil Empire pour prendre la suite de Motion Twin et continuer à faire vivre Dead Cells par le biais d’ajouts de contenu, de portages sur de nouvelles plateformes, etc.

Pourquoi avoir choisi de travailler pour la culture ?

Ma première vocation se situait davantage dans la diplomatie et la défense. Malheureusement, l’image fantasmée que je m’était fait de ces milieux correspondait peu à la réalité. J’ai donc choisi de recentrer ma carrière sur mes passions, le livre, la bande dessinée, les jeux de société, et… les jeux vidéos.

L’image fantasmée que je m’était fait de ces milieux correspondait peu à la réalité. J’ai donc choisi de recentrer ma carrière sur mes passions, le livre, la bande dessinée, les jeux de société, et… les jeux vidéos

J’assure également le poste de Directeur de la création, et en ce sens, je valide l’ensemble des designs, concepts, mécaniques, et art assets […] avant qu’ils soient implémentés. Je suis également censé garantir la cohérence et la qualité de l’ensemble.

En quoi consiste votre mission et quels en sont les enjeux ?

J’occupe aujourd’hui différents rôles dans Evil Empire. En tant qu’associé, il me revient de participer et de discuter les grandes orientations stratégiques de l’entreprise (croissance, projets, recrutements, etc.) mais aussi des questions logistiques du quotidien (accès au parking, horaires de travail pour les équipes, etc.).

J’assure également le poste de Directeur de la création, et en ce sens, je valide l’ensemble des designs, concepts, mécaniques, et art assets (mes excuses pour les termes en anglais) avant qu’ils soient implémentés. Je suis également censé garantir la cohérence et la qualité de l’ensemble. Je passe également une bonne partie de mon temps à faire un travail de game designer, c’est-à- dire à réfléchir et à définir des concepts pour des niveaux, enemis, objets qui seront par la suite implémentés.

Côté marketing, aspect dans lequel j’ai gardé une forte implication, je suis responsable du planning des mises à jours et sorties, et du respect des délais (autant que possible), de la gestion des partenaires externes pour les assets marketings majeurs (key art, trailers, etc.). Il m’arrive également de réaliser moi-même les vidéos ou trailers en cas d’urgence.

Des différences entre ce que vous imaginiez et la réalité du terrain ?

Le travail de Marketing Manager est relativement proche de ce qu’on peut imaginer – stratégie, plan de comm, ciblage d’audience, réalisation des assets écrits ou vidéos, présence sur les réseaux sociaux, animation de communautés, etc. En ce qui concerne la partie production, la complexité et le temps que demande la moindre création demande me surprend toujours aujourd’hui. Dans le jeu vidéo, 6 mois c’est déjà demain..

Comment vous voyez-vous d’ici 3 à 5 ans ?

Au même poste, avec un peu de chance ! Tout dépendra de l’évolution et de la croissance d’Evil Empire – si l’entreprise fonctionne aussi bien qu’on l’espère, ma mission sera probablement davantage transversale (sur différents projets) qu’aujourd’hui.

Êtes-vous satisfait de votre niveau de rémunération ?

Complétement.

Si vous étiez Ministre de la culture, que changeriez-vous en premier ? 

J’ai perdu le contact avec la politique culturelle depuis quelques années déjà, je ne me sens donc pas légitime à donner des leçons. J’imagine que je renforcerait les financements des initiatives des “vulgarisateurs” culturels, qui me semblent des clefs bien plus efficaces pour sensibiliser sur ces sujets que n’importe quel cours à l’école.

Dans le contexte plus spécifique au jeu vidéo, il faudrait probablement promouvoir un comité, à l’image du CNC, mais indépendant du CNC justement, qui pourrait examiner les dossiers de demande de financement des studios français. Le cinéma et le jeu vidéo répondent à des contextes et des enjeux différents, cela me semble peu logique de vouloir lier les deux.

Ce qui a été pour vous un déclic culturel ?

Spec Ops: The Line. J’ai découvert ce jeu en m’attendant à un shooter fade et déjà-vu sans intérêt, sans savoir que j’étais en train de jouer à ce qui deviendra un jeu culte malgré un lancement commercial manqué. Un trip violent et psychédélique, inspiré d’Apocalypse Now, qui finit à mon sens par dépasser son maître, tant son message est renforcé par le gameplay propre au jeu vidéo.

Parler de Spec Ops, c’est peut-être déjà un peu le gâcher, préparer les interlocuteurs à une expérience particulière là où la claque n’est réelle que lorsque les attentes sont au plus bas et que le jeu prend complètement ses joueurs par surprise. Mais ne pas en parler, ce serait limiter cette pépite à une petite niche de privilégiés.

Ce jeu est important pour moi, pour l’expérience unique qu’il propose, et pour l’ambition qu’il m’a donné de créer, un jour moi aussi, un jeu qui raconte une histoire qui ne peut pas être racontée par un livre ou par un film.

Dans le contexte plus spécifique au jeu vidéo, il faudrait probablement promouvoir un comité, à l’image du CNC, mais indépendant du CNC justement, qui pourrait examiner les dossiers de demande de financement des studios français. 

Crédits photographiques: Clémence Postis, Revue FarOuest, article du 15 octobre 2019.

Julia Serrano Cure, Cultural Entrepreneur

PORTRAITS → Young culture professionals  

The series Portraits explores our contemporary cultural sector from the young workers perspectives. Many chose culture because it made them proud, it gave meaning to work, it inspired a vocation. What about this ideal cultural sector today ? 

Julia Serrano Cure is a cultural entrepreneur from Barranquilla (Colombia). Trained both as an art manager and an advertiser, she advocates for strengthening the arts in Colombia and aims at helping Colombian artists to gain more visibility to launch a carreer. Trained both in Colombia and London, she explored two distinct cultural contexts and art markets.

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Tell us, what are the main stages of your training and career?

I am a professional in advertising, cultural entrepreneur trained with the Chamber of Commerce in Bogotá, Colombia. I graduated from a Master in Arts in Arts and cultural management from Kings College London. I worked as a Client service representative at Phillips Auctioneers, London and as a Cultural entrepreneur – Visual artists manager.

Why did you choose to work for culture?

As a daughter of an artist, I have been passionate about art all my life, a passion that then became my life project. Experiencing and analyzing the market’s context, I began to focus on what is missing at a local and national level, where the art market is still under development and artists do not count on enough spaces to show their works or professionals to help them boost their careers.

 I have been passionate about art all my life, a passion that then became my life project.

Internationally speaking, something that surprised me is the ‘volunteering’ fact. The cultural field is very used to asking for young professionals to volunteer for jobs which can be tricky if a young professional wants/needs both to gain experience and make a living at the same time.

What is your mission and its main challenges?

I think I have many missions and career goals I want to achieve. I consider myself very curious, therefore, I am always creating new cultural projects. Locally speaking I want to become the art manager that helps strengthen the arts in my city, Barranquilla, working with and for Colombian artists in order to nationalize and internationalize their works. For such aim, I combine my two professions, advertising, and art manager while working with online and offline strategies.

Are there any differences from what you imagined and the field reality?

Yes. To be honest, nationally speaking, Colombia is still developing in many ways, and for a cultural professional it is usually harder to find jobs and investment for projects.

Internationally speaking, something that surprised me is the ‘volunteering’ fact. The cultural field is very used to asking for young professionals to volunteer for jobs which can be tricky if a young professional wants/needs both to gain experience and make a living at the same time. Further, a professional with a list of volunteering experience on the cv will have an advantage over the rest, which not always defines their capacities but their social and economic position.

How do you see yourself in the next 3 to 5 years ? 

I see myself innovating and traveling all over the world representing talented Colombian and Latin American visual artists, working together with different international galleries, venues and museums.

Are you satisfied with your wage level?

Im not sure if I can answer this question accurately. At the moment I am working on three different projects, two of them fairly paid and the other one which is my entrepreneurial project, unpaid. But one thing that is for sure is that I am not satisfied with the average Colombian wage level.

If you were Minister of Culture, what would you change first? 

Work by the hand with the Minister of Education, in order to educate citizens about the importance of arts and culture, which has always been lacking.

Work for democratization of rights and subsidies for artists who are mostly independent workers, and many of them do not have access to credits and pension, among other services.

Something that has been a cultural trigger for you? 

I’ve found many cultural triggers during my career, but I’m gonna stick to the present and say that this covid-19 pandemic has been changing me as a person and as a professional as isolation days go by.  As a cultural entrepreneur i’ve always been keen to design and work with cultural projects, but this crisis has changed in many ways my perception of myself, my city and the art world itself. So my focus now is to work on what the local and global market is lacking and innovate on that would be important for the art world’s reinvention. In other words, take advantage of this threat and turn it into a business opportunity.

Work for democratization of rights and subsidies for artists who are mostly independent workers, and many of them do not have access to credits and pension, among other services.